Le système des intendances en Nouvelle Espagne et son ordonnance de 1786 ont fait l’objet de nombreuses études. Mais pour comprendre le fonctionnement de l’institution, l’étude des hommes reste à faire. Nos objectifs sont d’établir un profiltype via la méthode prosopographique et de reconstituer les cercles relationnels des intendants afin de mieux saisir comment naît une carrière d’intendant. Notre étude porte ici sur les intendants mexicains.
Cinq hommes eurent en charge l’intendance de Mexico de 1786 à 1821: Fernando Mangino, Bernardo Bonavía, Francisco Manuel Arce, Manuel Merino et Ramón Gutiérrez. La durée en charge des intendants est très variable : Mangino et Merino sont restés en charge moins d’un an ; Arce quatre ans et Bonavía cinq. Seul Gutiérrez est intendant de Mexico plus de dix ans. Nommé en 1810, il est maintenu dans ses fonctions au moment de l’indépendance du Mexique en 1821. L’âge moyen d’entrée en charge se situe autour de la cinquantaine. Il s’agit donc d’hommes mûrs pouvant justifier d’un long parcours professionnel. Tous ont une origine péninsulaire : en effet, la monarchie craignait que des créoles n’aient d’accointances avec les élites locales et ne puissent alors défendre ses intérêts. A l’exception de Francisco Arce intendant interino à Cuba en 1803, pour les autres, il s’agit d’une première nomination en tant qu’intendant. Mais ils sont bien au fait des affaires coloniales. L’étude de l’environnement familial et relationnel des intendants doit permettre de révéler les mécanismes supposés favorisant leur nomination.
Les Bonavía sont fortunés et au service de la monarchie depuis plusieurs générations. La noblesse des Mangino, elle, est attestée depuis au moins 1639. Par son mariage, Francisco Arce est devenu le maître d’une hacienda ; son frère Juan est intendant au Venezuela et l’aîné des Arce est Inquisiteur général. Par ailleurs, Mangino et Bonavía, ont fait partie de la clientèle de José de Gálvez, à l’origine de l’implantation de l’intendance en Amérique. L’ascension de Francisco Arce est étroitement liée à la carrière de son frère, Ramón. Ce dernier, devenu en 1797 archevêque de Burgos et Inquisiteur Général, était un proche du favori Manuel Godoy. De son côté, Manuel Merino fut un proche collaborateur du vice-roi Pedro Garibay et de son successeur Francisco Lizana. Quant à Gutiérrez, il bénéficia des faveurs des vice-rois Garibay et Iturrigaray. Certes, notre étude est lacunaire mais elle laisse entrevoir le poids familial et relationnel dans le processus de nomination des intendants américains.
Auteur : Lacoste Marie-Pierre